L’expérimentation au sein d’autorités locales
Les principes de l’expérimentation Lean peuvent être appliqués au sein d’organisations d’intérêt public dans le monde entier, qu’il s’agisse d’organismes publics et privés à but non lucratif ou de gouvernements locaux et nationaux dans lesquels, jusqu’à récemment, le paradigme du Nouveau management public (NMP) dominait. Cette façon de penser, principalement axée sur les objectifs de performance et la gestion de projets linéaires, est très efficace pour mesurer les paramètres clés de la mise en œuvre, mais n’offre que peu de possibilités pour évaluer le poids et l’impact potentiels d’une solution, et l’adapter aux plans existants en fonction de ces éléments. En définitive, avec leur approche descendante des lancements de produits ou services, les méthodes NMP ne permettent pas de tester les hypothèses sous-jacentes sur la manière dont l’innovation pourrait se développer dans le monde complexe dans lequel nous vivons.
La situation actuelle des autorités locales est fortement marquée par des habitudes de mise en œuvre sous approche NMP. Ces autorités locales travaillent souvent de manière linéaire ou « en cascade », avec un fonctionnement très hiérarchisé et souvent trop bureaucratique. Dans le même temps, il leur est demandé d’être plus agiles et itératives dans leur approche, afin de mettre en œuvre des projets à forte valeur ajoutée pour le public, mais leurs organisations internes sont souvent inadaptées à ces exigences.
Le défi devient même un véritable enjeu puisque les autorités locales sont de plus en plus invitées à fournir des services publics davantage centrés sur l’utilisateur, s’appuyant sur des applications et émanant des citoyens, dans une période très complexe et incertaine.
À l’avenir, il est fondamental que les autorités locales adoptent une approche expérimentale pour mieux répondre aux besoins des citoyens. Cela s’explique par le caractère évolutif des solutions qu’elles doivent désormais élaborer, par la complexité des défis auxquels les citoyens sont confrontés et par le désir des autorités locales à travailler avec des budgets limités tout en obtenant un bon rapport qualité-prix là où, souvent, ces solutions « échouent » lors de leur mise à l’échelle.
Une rupture avec les méthodes traditionnelles de gestion de projet est donc nécessaire, afin d’aider les autorités locales à accepter une part d’incertitude et à concevoir des projets permettant d’agir sur la base de preuves, de s’adapter ou de faire évoluer leur action, et de placer l’apprentissage (sur leurs solutions, leurs utilisateurs et les autres parties prenantes) au cœur de leur programme.
Cependant, il convient de souligner qu’une approche expérimentale doit émaner de personnes capables d’humilité et ouvertes à l’incertitude, chose qui n’est pas forcément évidente pour les employés du secteur public habitués aux normes institutionnelles qui incitent à la certitude et à « avoir les bonnes réponses ». Accepter que la plupart des nouvelles idées « échouent » (en particulier les solutions numériques) offre peu de sécurité psychologique aux équipes qui n’ont pas forcément beaucoup d’expérience dans la réalisation de projets de transformation numérique. Pour les autorités locales, l’expérimentation est donc avant tout un changement d’état d’esprit à opérer, car il s’agit d’adopter de nouveaux mécanismes internes ou de renforcer les capacités des équipes. Ces changements d’état d’esprit, de mécanismes et de méthodes doivent être abordés ensemble par l’autorité locale, impliquant de nombreux défis à relever et une transformation progressive au niveau de l’organisation.