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Les tendances technologiques et démographiques présentent à la fois des risques et des avantages

Outre la croissance de la technologie mobile, d’immenses changements surviennent dans la disponibilité et l’application de la technologie numérique en Afrique, de manière généralisée, ce qui présente à la fois des opportunités et des risques pour les organisations qui cherchent à développer des villes intelligentes.

Convergence des technologies et des réseaux

Les technologies émergentes qui peuvent être appliquées pour rendre une ville « intelligente » sont souvent appliquées ensemble, et les cas d’utilisation prospective nécessitent généralement des combinai- sons de technologies pour être vraiment efficaces. Au-delà d’un horizon de 10 ans, il est difficile de prévoir quelles combinaisons de technologies seront généralisées. Il est important de garder à l’esprit ces combinaisons potentielles de technologies numériques, car elles peuvent avoir un impact considérable sur les problématiques pouvant être résolues et sur la manière dont elles peuvent l’être. Le défi pour les villes est donc de regrouper les différents secteurs technologiques et de faire en sorte qu’ils soient exploités en tenant compte des besoins des citoyens.

Néanmoins, le développement de la 5G dans le monde entier et son application éventuelle dans des contextes africains, permettent le développement d’une série de nouvelles technologies, telles que l’intelligence artificielle (IA) et l’internet des objets (IdO). L’intelligence artificielle (IA) est l’utilisation d’ordinateurs pour automatiser la prise de décision d’une manière qui est censée imiter l’intelligence humaine. Le terme IdO, en revanche, décrit chaque « objet » connecté à l’internet, mais il est souvent utilisé aujourd’hui pour définir les objets qui communiquent des données entre eux, comme les capteurs ou les smartphones. Des quantités croissantes d’informations peuvent donc être collectées sur les infrastructures des villes et les citoyens. Nombre d’entre elles sont possibles même avant la 5G, par exemple pour les réseaux IdO ; ainsi, Sigfox ou LoRA sont des réseaux LWPAN qui fonctionnent déjà sans la 5G.

La communication personnelle est bien plus répandue que les utilisations productives à des fins économiques, sociales ou politiques d’autonomisation et d’inclusion. La communication vocale de base par téléphone mobile est plus répandue que l’accès à l’internet et, plus généralement, les solutions frugales (GPS, drones) se répandent plus rapidement que l’IdO, l’IA ou les centres de données. Cependant, on assiste au déploiement par des opérateurs privés de réseaux LoRA permettant la généralisation de l’utilisation d’objets connectés (IdO), notamment au Rwanda dans le cadre des opérations Smart City.

L’entreprise publique tunisienne de l’énergie adopte des compteur intelligents1

Les entreprises de services publics recherchent de plus en plus de solutions IdO pour améliorer l’efficacité de leurs services, et la STEG, l’entreprise publique tunisienne de l’énergie, ne fait pas exception à la règle. L’entreprise a récemment signé un accord avec l’AFD, qui contribue au financement d’un projet de réseaux intelligents (Smart Grids) afin d’améliorer l’efficacité énergétique et de contrôler la demande d’énergie. La première phase du projet prévoit la mise en place de 400 000 compteurs intelligents dans la ville de Sfax, et vise à améliorer le niveau de service offert aux citoyens en leur fournissant des informations fiables sur la consommation d’énergie. Le projet est aligné sur l’objectif de la Tunisie de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 41 % d’ici 2030.

“ Nous observons déjà la convergence des réseaux tels que l’électricité et la mobilité, élément clé des villes intelligentes. En tant que responsables de certains de ces services, les autorités locales devront plus tenir compte de cette tendance.”

Dans l’ensemble, la convergence des technologies et leur interconnexion numérique présentent à la fois des défis et des opportunités. La décentralisation accrue de l’électricité, par exemple, est un exemple de ressource qui peut être de plus en plus banalisée et qui peut rendre le pouvoir économique aux citoyens. Toutefois, l’interconnexion accrue de ces technologies exige également une infrastructure numérique solide et une prise de conscience que le contrôle et l’utilisation des données numériques revêtent une importance croissante pour les systèmes sociaux et économiques. Pour que les avantages d’une ville intelligente soient partagés équitablement, il est donc fondamental de veiller à ce que ces données soient produites, distri- buées et consommées de manière décentralisée².

La propriété des données – débat sur la confidentialité

Les téléphones mobiles intelligents et compatibles avec l’internet, qui passeront de 39 % de tous les appareils africains en 2018 à 66 % en 20253, servent de plus en plus à connecter les populations et offrent la possibilité d’introduire de nouveaux modèles commerciaux et de nouveaux services aux populations africaines. La prolifération des données générées par les smartphones permet aux plateformes numériques d’offrir leurs services aux consommateurs, notamment aux grandes entreprises comme Google, Uber, Waze, ou aux réseaux sociaux comme Facebook.

Mais les autorités locales ont souvent vu des données sur les citoyens être collectées par des entreprises privées sans pouvoir les utiliser à leurs propres fins. En effet, les autorités locales peuvent être confrontées à des plate- formes en ligne, qui ont accès à des données sur leurs citoyens pouvant être analysées pour des projets d’intérêt public. Mais les autorités locales et les parties privées peuvent également coopérer autour de ces données. Par exemple, le consortium à but non lucratif OPAL développe un ensemble d’algorithmes qui peuvent être utilisés pour partager publiquement des données privées sans compromettre la vie privée. Le projet a débuté en 2017 par un essai avec le gouvernement du Sénégal et l’opérateur de télécommunications Orange-Sonatel, et fonctionne sur une plateforme ouverte4.

La question de la protection de la vie privée est, en outre, liée à la sécurité du contrôle et de l’utilisation des données personnelles. La confiance dans la finalité de la collecte de données personnelles par le gouverne- ment et la question de savoir si elle est proportionnée au besoin est cruciale si l’on veut maintenir la confiance entre le gouvernement et ses citoyens. D’autre part, lorsque la confiance dans les institutions est faible, nous avons vu comment les informations en ligne ont été utilisées non seulement pour coordonner les activités (comme on a pu le constater au cours du printemps arabe) mais aussi pour dénoncer les injustices du gouvernement. Au Kenya, en 2007, des citoyens (blogueurs et développeurs de logiciels) ont décidé de créer une plateforme en ligne pour rendre compte des violences post-électorales. Ils ont créé Ushahidi, qui signifie « Témoignage » en Swahili..

“La connexion numérique offre aux autorités locales une opportunité immense d’engagement auprès des citoyens. S’il est adopté de manière efficace par les municipalités, ce système pourrait conduire à une prise de décision beaucoup plus efficace et à une meilleure expérience utilisateur pour les citoyens. Si elle est mal adoptée, elle peut entraîner la perte de confiance entre les citoyens et les institutions, déjà affaiblie par des processus et des systèmes inefficaces.”

Jakarta exploite les applications existantes pour accéder à de vastes pools de données et améliorer les services publics

Jakarta a lancé son programme de ville intelligente en 2014, et a choisi de ne pas se concentrer sur le matériel et la connexion IdO, mais plutôt sur l’engagement des citoyens. Les autorités municipales ont lancé trois services en ligne distincts pour s’attaquer à certaines des problématiques les plus urgentes de la ville : une application de reporting appelée Qlue, une solution de cartographie des inondations basée sur l’analyse de Twitter et un outil de gestion du trafic réalisé en partenariat avec l’application de navigation privée Waze. Jakarta est la ville qui envoie le plus de tweets au monde. Le projet PetaJakarta, réalisé avec le gouvernement provincial de Jakarta et l’Université de Wollongong, en Australie, a permis de recueillir des informations sur les inondations et les infrastructures hydrauliques essentielles de la ville via le réseau social Twitter. Bien que l’exactitude des rapports soit potentiellement problématique, le projet a permis d’analyser un vaste ensemble de données ouvertes. Le crowdsourcing a permis d’établir une carte des zones inondables de la ville et a été remplacé par PetaBencaca, un service élargi qui fonctionne dans toute la région du Grand Jakarta. Jakarta est l’une des villes les plus encombrées du monde. Elle a conclu un accord avec Waze, une application de navigation qui compte plus d’un million d’utilisateurs mensuels dans la ville, pour partager des données sur les flux de circulation. Ces données ont été utilisées pour créer un outil de gestion de la circulation basé sur le crowdsourcing, dont on espère qu’il permettra de réduire les embouteillages en fournissant des données plus pertinentes aux conducteurs et aux autorités municipales.

1. Marzouk, (2019). Smart Grid: l’AFD accorde à la STEG un financement de 121 millions d’euros. Consulté à l’adresse suivante  : https://www.leconomis- temaghrebin.com/2019/01/04/smart-grid-lafd-accorde-a-la-steg-un-financement-de-121-millions-deuros/
2. Convergence dans les initiatives intelligentes. Outlier Ventures. Extrait de : https://outlierventures.io/wp-content/uploads/2019/05/OV-SMART-CIT- IES-FINAL.pdf
3. Ibid
4. OPAL. Consulté à l’adresse suivante https://www.opalproject.org/about-opal