L’économie numérique et l’avenir du travail
Les autorités locales doivent également être conscientes de la nature changeante des emplois – tant au niveau local que mondial – avec l’avènement de certaines technologies numériques. Le travail peu qualifié et informel peut être supplanté par l’automatisation, ce qui réduirait la demande de cette main-d’œuvre. La numérisation peut donc constituer une menace pour les conditions de vie des travailleurs peu qualifiés en offrant des alternatives au statu quo. Mais la technologie numérique peut également être utilisée pour offrir des services tels que l’éducation ou l’accès au financement, ce qui peut aider les propriétaires de petites entreprises à devenir plus productifs et à se structurer1. L’avenir du travail en Afrique peut donc dépendre de la capacité à tirer parti des possibilités de croissance économique qu’une transformation numérique peut apporter, en encourageant le développement de compétences de haut niveau, y compris la culture numérique.
Les autorités locales devraient également chercher à développer l’écosystème numérique local. La transformation numérique représente une opportunité pour la multitude d’entrepreneurs africains. L’Afrique abrite la plus grande proportion de la population en âge de travailler qui démarre une nouvelle entreprise². Les investissements dans les entreprises africaines sont en augmentation, ce qui suit une large trajectoire de croissance depuis le début des années 2000. Les start-ups africaines ont levé 1,34 milliard de dollars en 2019, ce qui est le chiffre le plus élevé jamais atteint sur le continent3. Cependant, le financement par capital-risque est principalement concentré dans quelques pays africains, comme l’Afrique du Sud, le Kenya, l’Égypte et le Nigeria. De nombreuses start up ont du mal à franchir les premières étapes de leur développement ou à passer à l’échelle supérieure parce que l’écosystème local n’est pas complètement développé.
L’entrepreneuriat africain est le mieux placé pour s’attaquer à l’ensemble des problèmes complexes qui se posent dans les contextes urbains. S’il est essentiel de soutenir les entrepreneurs qui proposent des solutions numériques, les villes et les métropoles africaines n’offrent souvent que peu d’espace pour le développe- ment d’industries numériques.
“En développant des solutions aux défis urbains, les autorités municipales devraient essayer d’impliquer autant que possible les incubateurs, les universités et les entreprises locales.
Le défi consiste donc à laisser la place à l’émergence spontanée de réponses aux questions urbaines par les acteurs de la zone, tout en établissant des cadres plus formels d’interaction et de collaboration entre l’État et les start-up, entre l’innovateur, le citoyen et l’autorité gouvernementale.
Les écosystèmes entrepreneuriaux numériques sont confrontés à des défis spécifiques pour se développer et croître en raison du faible soutien du secteur public et du manque de compétences numériques/entrepreneuriales. Les formes d’intervention dans ce domaine peuvent être très diverses et sont très présentes en Afrique subsaharienne : création d’incubateurs/accélérateurs, investissement direct dans des start-up à fort impact, soutien aux fonds de capital-risque, processus de sélection des start-up et PME prometteuses à soutenir, financement innovant, etc.
En 2019, le GSMA (lobby mondial des opérateurs de télécommunications) avait répertorié 618 hubs technologiques, incubateurs, accélérateurs, espaces de coworking, fablabs au sud du Sahara4.
WeCyclers : une entreprise privée fonctionnant avec des déchets publics
Fondée en 2012, la société nigériane WeCyclers travaille en partenariat avec la Lagos Waste Management Authority pour mener un service de recyclage des plastiques dans les zones défavorisées du Lagos qui ne sont pas desservies par les collecteurs municipaux. Le tri et le recyclage de la matière plastique sont effectués à l’aide d’un scooter à trois roues. Les collecteurs, qui sont souvent des jeunes en premier emploi, apportent avec eux des balances reliées à une application permettant aux familles participantes de gagner des points à échanger contre des équipements ménagers.
Les autorités locales doivent également être conscientes des impacts de la technologie numérique sur l’économie locale et les entreprises nationales. Tout d’abord, le matériel numérique est essentiellement une importation coûteuse, qui ne stimule guère l’économie locale et augmente naturellement le déficit commercial. La vente de services, d’appareils numériques et surtout de maté- riel est également dominée par de grandes entreprises multinationales, qui ont une portée mondiale. Enfin, les services numériques peuvent également détourner l’activité économique des fournisseurs locaux. Les autorités locales africaines doivent donc tenir compte de la relation qu’elles entretiennent avec les fournisseurs à tous les niveaux d’une stratégie de transformation numérique, et essayer d’utiliser autant que possible des solutions open source ou développées localement.
Si la stratégie consiste à impliquer les appareils numériques, le problème est alors de sensibiliser, d’une part, à la provenance des appareils numériques, de réutiliser et de remettre à neuf les équipements numériques pour que le plus grand nombre ait accès à des appareils neutres pour le climat, et d’autre part de s’assurer que les solutions sont interopérables. En favorisant la mise en commun de solutions développées en interne entre les villes, ces dernières peuvent anticiper et échanger sur des modèles économiques durables et des licences d’utilisation et de propriété appropriées.
1. Guide de la politique G20 : Num.risation et informalit.. Extrait de : http://www.oecd.org/g20/G20-Policy-Guide-Digitisation-and-Informality.pdf
2. African Economic Outlook (2017). African Economic Outlook 2017 Entrepreneurship and Industrialisation. Consulté à l’adresse suivante : https://www.afdb. org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/AEO_2017_Report_Full_English.pdf
3. Forbes, (2020). Les start-ups africaines ont r.colt. 1,34 milliard de dollars en 2019. Consulté à l’adresse suivante : https://www.forbes.com/sites/tobyshapshak/2020/01/07/afri- can-startups-raised-134bn-in-2019/amp/
4. « 618 Active Tech Hubs: The Backbone of Africa’s Tech Ecosystem », GSMA, Mobile for Development (blog), 10 juillet 2019, https://www. gsma.com/mobilefordevelopment/blog/618-active-tech-hubs-the-backbone-of-africas-tech-ecosystem/.