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Les jeunes et la transition numérique : provocations et pistes à suivre


Cet article est le deuxième d’une série de deux articles tirés du webinaire public de l’ASToN sur La jeunesse africaine — gagnante ou perdante de la transition numérique ?. Au cours de cette rencontre, nous avons exploré les effets de la transition numérique — accélérée par la pandémie de COVID-19 –, sur des jeunes de villes du réseau ASToN, et nous avons réfléchi aux moyens de mieux leur permettre d’être les citoyens de demain.


Avec la population la plus jeune du monde et toutes les opportunités et défis que cela représente, l’Afrique est en train de vivre une transition numérique.

Lors du récent webinaire public du réseau ASToN, des intervenants issus des équipes dirigeantes de villes de toute l’Afrique — des élus de Bamako (Mali), Niamey (Niger), Benguerir (Maroc), Kigali (Rwanda) — ont parlé de leurs réussites et de leurs échecs, des principaux défis, de l’impact de la pandémie et de leurs espoirs pour l’avenir.

Il a été question des nombreux défis auxquels les villes sont confrontées, notamment l’accès aux personnes situées en bas de la pyramide, l’élargissement des fractures sociales et économiques, les inégalités, la hausse du chômage des jeunes (42 %), etc. Ont aussi été abordées les opportunités découlant de la croissance démographique, de la résilience, de l’énergie et de l’esprit de la jeunesse africaine, de l’attrait croissant pour les investissements, d’une plus grande capacité de réflexion stratégique et à long terme, et d’une adaptation plus rapide par la force des choses.

Emmanuel Adegboye [Membre de l’Académie de la Fondation Mo Ibrahim de l’année 2021, avec le programme Afrique de Chatham House] est aussi intervenu. Il a rassemblé ses 5 grandes perspectives de l’événement.

Dans les contributions du panel et la discussion qui a suivi, ont été relaté des histoires de résilience, d’énergie, de créativité, d’adaptation et d’esprit de solidarité. La vision qu’ils ont de leurs villes est celle d’une ville intelligente, résiliente et dynamique. Un lieu capable de détecter les besoins de TOUS ses citoyens et d’y répondre, les jeunes étant l’une des populations les plus importantes et les plus engagées, en tant qu’auteurs de leur propre avenir.

La discussion nous a incités à formuler 7 provocations pour l’avenir :

1. Avec l’élargissement des fossés sociaux et économiques et la rapidité du changement, quels principes de conception pouvons-nous appliquer pour être certains de n’oublier personne ? Et si on concevait par défaut pour les plus éloignés et les plus ruraux — le bas de la pyramide, comme l’a mentionné l’un de nos intervenants ? Comment inclure les voix, les besoins et les rêves des jeunes à chaque étape de la conception ?


2. Parmi les meilleurs moyens de soutenir les jeunes et de leur permettre de saisir les opportunités, nous retrouvons l’éducation, l’accès[1] — ont été présentées des initiatives telles que le wi-fi gratuit dans les lieux publics et les transports à Benguerir — et le fait de s’attaquer aux obstacles systémiques, des éléments plus difficiles à voir mais qui peuvent avoir un impact considérable. De la planification et de l’aménagement de la ville aux services financiers, aux transports, à la gouvernance et à la prise de décision, à la transparence… Comment les villes peuvent-elles revoir les barrières systémiques pour améliorer l’accès des jeunes aux opportunités ? Veillons-nous à ce que leurs voix soient prises en compte à chaque étape de la conception ?

En 2017, l’Afrique n’a utilisé que 1 % de toute la bande passante mondiale. Que permettrait l’augmentation de ce chiffre ?


3. Pour les populations connectées et ayant accès à Internet et à des services numériques, quelles sont les compétences de demain dans lesquelles nous devons investir afin que notre main-d’œuvre habituée au numérique soit équipée pour répondre aux besoins de l’entrepreneuriat et de l’économie ? Il ne s’agit pas seulement de la manière dont nous utilisons les outils numériques. Il s’agit plutôt de compétences personnelles et vitales, comme l’esprit critique face à la propagation de l’information et des fake news. M. Mouctar, de Niamey, nous a expliqué à quel point les fake news sur la pandémie et les élections avaient fait du tort à sa ville. Et si les jeunes étaient équipés pour contenir et diffuser des fausses informations ?


4. Avec une base solide en place, comment pouvons-nous stimuler l’écosystème et l’économie qui s’appuient sur cette base solide ? Des services financiers numériques aux écosystèmes qui soutiennent l’entrepreneuriat numérique, il se passe beaucoup de choses et il y a beaucoup d’opportunités ici.


5. Et si nous savons que nous avons besoin d’investissements du secteur privé pour mettre à niveau les infrastructures (connectivité, IdO et centres de données), quelles sont les réformes juridiques et réglementaires dont nous avons besoin pour encourager les investissements privés ? Comment pouvons-nous rédiger des lois qui favorisent la démocratie, la transparence et l’accès à l’information ?


6. Nos intervenants nous ont fait part de la nécessité de tirer parti de ce qui existe déjà et de jouer sur les points positifs, sur les choses qui fonctionnent déjà bien. Niamey nous a parlé de l’utilisation de la jeunesse et de son énergie, son activisme, ses idées, son impatience, dans la crise de la COVID pour répondre à la question suivante : quels sont les leviers du changement, les choses qui auront un impact considérable ?


7. Nous avons entendu des réponses à la crise de la COVID, des efforts pour la stabiliser et s’en remettre. Nous avons entendu parler de la façon dont cette perturbation a accéléré le changement, comme le développement des paiements mobiles à Bamako (Mali) et l’accès aux services. Nous avons découvert la créativité et la résilience des jeunes dans chaque ville, et j’ai adoré l’exemple de l’université de Benguerir, qui convertit les nouvelles idées en solutions numériques. Les grands bouleversements, sans précédent, nous amènent à faire les choses différemment, en adoptant une approche « test and learn », permettant d’apprendre de ce qui fonctionne. Quels sont les partenariats que vous pouvez établir pour tester et apprendre en même temps ? Nous en avons discuté plus longuement lors d’un événement de suivi.


La grande question qui se pose est la suivante : comment créer des dividendes pour tous sans creuser de fossé ?

Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à la fracture numérique dans votre région ou sur l’ensemble de l’Afrique ? Comment votre perspective évolue-t-elle pendant la pandémie de COVID-19 et au-delà ? Qu’est-ce qui vous enthousiasme le plus dans l’avenir, et quelles grandes provocations avons-nous omises ?


[1] La Banque mondiale estime que la réalisation de l’objectif de l’Union africaine d’une couverture Internet universelle et abordable augmentera la croissance du PIB en Afrique de 2 points de pourcentage par an. De même, la probabilité d’emploi — quel que soit le niveau d’éducation — augmente de 6,9 à 13,2 % avec un accès à Internet rapide, car il facilite la création d’entreprises et stimule la productivité et les exportations.

Ecrit par Abigail Freeman.