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La transition numérique des services municipaux : comment garantir l’adhésion des citoyens ?


La « ASToN City Week », la semaine où des représentants des 11 villes du réseau ASToN se sont rencontrés à Kigali (Rwanda) a été organisée autour d’un seul objectif: comment faire du projet ASToN un succès? Cet objectif a été traduit par différentes sessions: carrousel de coaching et échanges entre pairs, présentations et atelier sur la question de la durabilité, visites de la ville et de ces projets innovants. Les échanges d’expérience, concept au cœur du réseau, étaient au centre de toutes ces sessions. Mais, comment permettre de libérer la parole au sein d’un groupe international, très varié lors de réunions professionnelles en évitant trop de formalité ? Voici la question que nous nous sommes posés en préparant cette rencontre.

Le format de « l’Open session » répond à cette problématique. Ce type de sessions ouvertes prend la forme d’un échange où les participants suggèrent et votent sur l’ordre du jour. Toute personne qui souhaite suggérer ou diriger un sujet de discussion peut le faire, puis le groupe vote sur ce qu’il souhaite le plus aborder. L’objectif est de donner à chacun la possibilité de contribuer.


Wiem Amri, representative of Bizerte (Tunisia) during the Open Session in Kigali.

Le vendredi, dernier jour de la rencontre, les participants se sont organisés en 5 groupes pour discuter de différents sujets en lien avec leurs projets ASToN locaux respectifs, dont celui de la communication.

Les enjeux de communication externes sont particulièrement cruciaux pour garantir l’adhésion et l’appropriation publique des citoyens aux initiatives municipales, les citoyens étant les principaux bénéficiaires de ces projets. “Les projets des villes du réseau ASToN portent largement sur les soft skills, le renforcement des capacités, des compétences humaines des usagers des services tout comme le personnel. Afin que les populations puissent mieux se saisir des transformations positives en cours, les villes ASToN cherchent à mettre en place des activités de communications claires et adaptées”, nous explique Joyce Mavoungou, Chargée de projet ville, pour ASToN. Plus que simplement transmettre une information, l’objectif est de susciter l’adhésion.

En plus de l’importance de les impliquer dans la co-création du projet, il paraît central de savoir : Comment communiquer de manière efficace auprès des citoyens ?

Parmi les villes du réseau ASToN, des représentants de 4 villes (Sèmè-Podji — Bénin, Kampala — Ouganda, Nouakchott — Mauritanie, Bamako — Mali) se sont attelés à ébaucher une réponse à cette question dans le cadre d’ASToN.


1. Choisir judicieusement la manière et le moment de communiquer

Les stratégies de communication doivent être pensées dès les premières phases du projet. Elles doivent identifier clairement les publics cibles, les moyens et les moments de communiquer. Il convient d’accompagner l’avancée du projet. Ainsi, à chaque jalon du projet, communiquer auprès des citoyens du point atteint est très important et permet de créer une relation de confiance.

Dans le cadre d’ASToN, les citoyens ayant été impliqués durant le travail d’identification de la problématique, la recherche préliminaire, ou encore diverses activités d’enquêtes, leur rendre compte de la finalisation et validation du plan d’action, via les réseaux sociaux ou autres médias est une manière de les tenir à jour, impliqués et intéressés. On remarque d’ailleurs que les citoyens aiment être mis à jour des résultats concrets.

Pour Kampala, la manière de communiquer la plus adaptée au contexte local, identifiée par le groupe local ASToN, a par exemple été des campagnes radio dès le développement du plan d’actions. Pour Sèmè-Podji, il a s’agit de sketchs publics.

Le sketch à Sèmè-Podji.

2. S’exprimer simplement et clairement pour que les citoyens puissent comprendre- y compris dans plusieurs langues.

Dans de nombreuses villes africaines, plusieurs langues sont parlées de manière assez répandue. Pour toucher un vaste public, il faut s’adapter et préparer des contenus traduits dans les langues majoritaires. Il faut aussi prendre en compte les taux d’analphabétisme. Ainsi, les messages doivent être simples et facilement compréhensibles : des images percutantes, des phrases courtes, des mots-clés, la mise en lumière des priorités et objectifs.

Par exemple à Kampala, la campagne radio était en anglais et luganda (une des langues locales), à Sèmè-Podji, les sketchs étaient en français et deux langues locales hwla et goun ; enfin, Nouakchott a misé sur une vidéo motion design en français, d’autres contenus en arabe sont aussi considérés. A Bamako, on a misé sur l’utilisation massive et répétée du logo ASToN afin de marquer les esprits.


L’équipe de Bamako devant une bannière ASToN

3. Les campagnes de sensibilisation sont importantes

Pour les acteurs d’ASToN, le projet est non seulement une volonté d’optimiser les services publics, mais il s’inscrit également dans une vision de transformation numérique dans le but d’améliorer la vie courante des populations. Il faut donc s’appliquer à les sensibiliser à différents enjeux de durabilité et de renforcer leur capacité à utiliser l’outil numérique.

« Certaines habitudes doivent changer. »

Dans le cas de Sèmè-Podji, les sketchs réalisés mettaient en scène une réalité locale que le projet ASToN vise à résoudre : les conflits liés aux transactions foncières non sécurisées. Avec le projet ASToN visant à la numérisation des actes fonciers, du cadastre et des transactions, ces conflits devraient considérablement diminuer. Mais pour cela, les populations devront se préparer et s’habituer aux nouvelles procédures digitales.

De même, le plan de communication de Bamako stipule qu’un de ses objectifs et de sensibiliser les bénéficiaires sur les résultats escomptés du projet, mais également du potentiel important qui leur est offert, dans le cadre de la numérisation des services de paiements et d’accès à la taxe vignette des véhicules à deux roues de la ville.


4. Un langage accrocheur que les gens peuvent comprendre et auquel ils peuvent s’identifier

Les citoyens doivent pouvoir comprendre le projet dans les grandes lignes, le retenir, y faire référence, et comprendre pourquoi ce projet leur est bénéfique et est pensé en adéquation avec leurs valeurs, leurs cultures, et modes de vie. Les logos, les titres accrocheurs, les jeux autour de l’image sont autant de points permettant de susciter cette attention.

La ville de Kampala a donc su inspirer les trois autres villes en expliquant le choix du nom de leur projet cadre de mobilité : le projet ASToN de Kampala, traitant du développement d’une application de reports des incidents et du trafic routier, s’inscrit dans un projet stratégique plus large à l’échelle de la ville appelé KlaKonnect. Cette initiative comprend tous les projets liés à la mobilité dans la ville et son nom est tiré d’une concertation faite auprès des citoyens de Kampala.



Lancement de l’initiative KlaKonnect (via twitter)


Les autres villes participant à cet échange ont trouvé tout le processus d’appellation très habile, dans l’implication de la population et l’aspect culturel dans le choix final. Le réseau ASToN permet ainsi aux villes de s’inspirer des bonnes pratiques pour essayer de les adapter à leur contexte local.

On entend souvent « la communication est la clé ». Cela s’applique également dans les projets liés aux villes, notamment auprès de populations qui doivent en bénéficier. “Pour le réseau ASToN, la place des citoyens est centrale. Ainsi, en plus de les impliquer de manière innovante tout au long du développement du projet (enquêtes, ateliers de concertation et de co-création), nous voulons mettre en lumière l’importance de transmettre non seulement l’état d’avancement du projet mais également la vision et les ambitions afin de susciter une appropriation locale et donc la réussite du projet”, dit toujours Joyce. En effet, sans appropriation par les citoyens, les projets ne peuvent atteindre leur but initial d’amélioration des services pour les usagers et personnels.