E-fiscalité : le digital comme réponse à des défis communs dans 3 villes africaines ?
Entre défi et levier de développement, la collecte des taxes est au cœur de la démarche de transformation digitale de 3 villes du réseau ASToN : Bamako (Mali), Kumasi (Ghana) et Matola (Mozambique). Lors de la première phase d’ASToN, ces 3 villes ont choisi de travailler sur le sujet de la e-fiscalité.
C’est un fait avéré, les villes africaines sont diverses et variées, ainsi, les défis auxquels elles doivent faire face le sont tout autant. Nous pouvons tout de même observer de grandes tendances à l’échelle globale. La collecte des taxes est un des enjeux que les services urbains partout dans le monde doivent gérer et améliorer de manière à garantir une bonne source de revenus pour la ville.
Enjeux communs dans 3 villes du réseau
La collecte des taxes étant un facteur clé du développement de l’économie locale, il est important d’identifier les problèmes à régler afin d’assurer l’autonomie financière. Voici quelques-uns des obstacles dans les 3 villes considérées :
– Collecte manuelle et trop d’intermédiaires : le système de collecte reste largement assez ancien et le cycle long et fastidieux en raison d’intermédiaires. Les taxes sont par exemple collectées dans les marchés ou auprès des usagers et des propriétaires par des agents de service qui doivent ensuite se déplacer jusqu’aux centres de collecte ou auprès des services locaux. Plus de 90 % de la collecte des recettes à l’Assemblée Municipale de Kumasi se fait manuellement. Le trop grand nombre d’intermédiaires augmente les coûts de collecte et les risques de fuite. Cela entraîne aussi des problèmes de transparence.
– Informalisation et faux documents : En raison de la procédure longue et rébarbative, et des services difficilement accessibles (longues queues aux centres des taxes notamment), il y a une prolifération de faux documents et le développement de systèmes alternatifs et informels de payement. A Bamako par exemple, les queues aux centres des taxes étant longues, des personnes se présentent en tant qu’intermédiaires : moyennant rémunération, elles vont faire la queue à la place des payeurs et parfois également réaliser le paiement à leur place. Ce système et ces arrangements sont informels.
– Différents centres de collecte non reliés entre eux : dans les 3 villes, le même constat est fait, les différents centres de collecte fonctionnent en silo et il n’y a pas de répertoire centralisé. Il n’existe pas de “dépôt” centralisé des informations relatives à l’assiette fiscale à Kumasi par exemple. Les citoyens doivent aussi se déplacer plusieurs fois en fonction de la taxe à payer, car chaque centre est spécialisé dans un type d’impôt.
– Manque de données et de mises à jour : en lien avec le défi précédent, à Kumasi, on déplore l’absence de politiques assurant l’exhaustivité des données. D’autre part, la dernière évaluation des données date d’il y a 15 ans alors que pour plus d’efficacité, cela devrait être mis à jour tous les 3 ans. A Bamako et Matola, on déplore aussi le manque de données fiables.
– Capacités internes : le niveau des compétences informatiques du personnel municipal est parfois moyen.
– Faible communication avec les citoyens : les habitants ont une faible connaissance de ce qui se fait et pourquoi. Dans le cas de Matola, c’est lors d’un atelier participatif organisé par la municipalité que, loin des idées reçues, les équipes locales se sont rendu compte que pour les citoyens, la ville ne communique pas assez auprès d’eux et non ceux-ci qui ne voudraient pas payer les taxes.
Quels sont les secteurs économiques concernés ? Nous retrouvons ces problèmes aussi bien dans les taxes foncières et immobilières, que dans les taxes automobiles ainsi que sur les marchés.
Le numérique comme opportunité
D’après un responsable de la ville de Matola, la ville intelligente est
« une ville qui favorise le développement en exploitant les technologies de l’information et de la communication pour proposer un service optimal à tous les citoyens ».[1]
Ainsi, à Matola, l’outil numérique sera appliqué, dans le domaine des taxes auprès des commerçants des marchés, à la conception, la planification, le développement, la mise en œuvre et l’exploitation d’applications pour différents processus de gestion municipale.
A Bamako, la marge de manœuvre des collectivités concernant le numérique est assez large, ce qui devrait permettre la modernisation de l’administration municipale, ainsi que l’implémentation du numérique de manière transversale, en commençant par les taxes sur les deux roues.
Pour Kumasi, ce sont les services liés aux taxes foncières qui vont pouvoir bénéficier de la numérisation.
Comment s’y prendre ?
Malgré des contextes socio-économiques et culturels, ces 3 exemples nous montrent que les défis se ressemblent. Le réseau ASToN donne donc l’opportunité aux villes de réfléchir ensemble sur des stratégies numériques qui serviront à améliorer leurs services de collecte de taxes, en se concentrant d’abord sur un projet pilote d’expérimentation.
Une des conditions primordiales pour une bonne expérimentation de transformation digitale est, comme à Bamako, des textes juridiques en matière de finance locale autorisant l’utilisation les technologies de l’information et de la communication dans la mobilisation des ressources. Ces conditions comprennent aussi des audits numériques des services urbains, une mise à jour des données et une analyse de celles-ci, un personnel prêt à être formé si les compétences numériques ne sont pas encore à niveau et bien sur l’implication des usagers, du secteur privé, financier et technologique.
L’écosystème ainsi créé assurera la durabilité et la pertinence des solutions mises en place pour une ville véritablement intelligente.
Next steps
Après avoir analysé les défis et les processus à l’œuvre créant des obstacles à une collecte efficace des taxes, les 3 villes, Matola, Kumasi et Bamako ainsi que les 8 autres villes du réseau ASToN — en lien avec leurs propres thèmes, travaillent à l’identification de solutions digitales à tester. Ces analyses ont été réalisées au travers d’enquêtes de terrain, recherches qualitatives et quantitatives, organisation de réunions.
Les villes ont maintenant atteint l’étape de l’élaboration de leurs plans d’action locaux. Il définit une vision claire et une feuille de route pour que chaque ville puisse atteindre ses objectifs et surmonter ses difficultés liées à l’amélioration de leurs services locaux.
Joyce Mavoungou.