Au Niger, la ville de Niamey veut rationaliser les moyens de transport traditionnels
Cet article est le fruit d’une collaboration entre le Journalism and Media Lab (Jamlab), ASToN et le Civic Tech Innovation Network (CTIN).
La ville de Niamey, capitale du Niger, connaît une croissance rapide et entend avoir un impact important en utilisant la technologie numérique pour améliorer la gestion des moyens de transport traditionnels, qui sont particulièrement importants pour les citoyens de la ville.
« Le secteur n’a jamais été modernisé, le travail se fait de manière traditionnelle, et tout est consigné dans des registres. Nous sommes au XXIe siècle, nous devons nous adapter ! » C’est en ces termes qu’Ibrahim Agali, représentant des syndicats de transport au Niger, décrit le secteur du transport traditionnel dans la capitale du Niger, Niamey.
Comme le disait Ali Sanda, directeur des transports urbains de Niamey jusqu’en février 2022, « ce projet facilitera grandement notre travail, car nous gérons actuellement plus de dix mille taxis et minibus, traditionnellement appelés “faba” ». C’est un défi majeur pour la ville, qui accueille la majeure partie de la population urbaine du pays.
Selon le Dr Yaye Sadiou Haidara, la Société publique de transport urbain (SOTRUNI) de Niamey, qui dessert les différents quartiers de la ville et les villages périphériques, connaît « d’énormes difficultés opérationnelles ». Elle n’est pas en mesure « d’offrir aux habitants de Niamey un service de transport public satisfaisant ».
De nombreux acteurs « artisanaux » et traditionnels viennent combler ces lacunes. Pour Ali Sanda « le transport traditionnel joue un rôle important pour assurer « la mobilité et le transport constant de la population, en particulier dans des villes comme Niamey où les infrastructures de transport sont insuffisantes dans la périphérie urbaine ».
Ce projet de dématérialisation est mené par Niamey dans le cadre d’ASToN, un réseau qui rassemble 11 villes africaines pour développer des pratiques numériques afin de créer des villes durables et inclusives. Comme l’explique le coordinateur du projet, Ousmane Mamane, les principaux objectifs du plan d’action de Niamey consistent à « dématérialiser les procédures de délivrance des licences de conducteur, créer une plateforme numérique de collaboration entre les différents acteurs du secteur du transport informel, expérimenter le paiement mobile de la taxe mensuelle et mettre en place un plan de communication intégrant la gestion du changement ».
Amadou Boube Ego, propriétaire d’un taxi, attend le changement depuis vingt ans, depuis qu’il a commencé à travailler dans ce secteur : « Transformer un véhicule en taxi est devenu un véritable parcours du combattant et les documents administratifs sont coûteux et difficiles à obtenir. C’est un processus laborieux qui ne présente aucun avantage ». Amadou Ego nous a indiqué qu’il n’avait pas été informé d’un projet visant à rationaliser les moyens de transport traditionnels à Niamey.
Les parties prenantes espèrent que ces efforts auront un impact sur la sécurité routière et la circulation dans la ville. À Niamey, 8 010 accidents ont été signalés en 2019, causant une centaine de décès et de nombreux blessés.
Selon le coordinateur local d’ASToN, « la dématérialisation de la gestion des transports urbains offre la possibilité de gérer en temps réel le système. Il est certain que cela améliorera la situation et réduira le nombre de décès. »
Le directeur des transports urbains a également souligné que « la création d’une plateforme permettant aux différents acteurs de s’échanger (le syndicat, la police, la ville) facilitera le contrôle et garantira la sécurité de la population ».
Ibrahim Agali énonce clairement les objectifs escomptés pour ce projet : « ASToN nous aidera à moderniser le secteur et nous permettra également de rassurer le client, tout en facilitant le contrôle de la police et du ministère des Transports ».
Comme le précise Amadou Ego : « Il est nécessaire de disposer de neuf documents officiels pour conduire un taxi. Si l’un d’eux manque, la police immobilise immédiatement le véhicule et l’envoie à la fourrière. Encore faut-il préciser que les policiers eux-mêmes ne sont pas formés et manquent d’informations. La police ne connaît pas les lois, abuse de son autorité et s’adonne à la corruption. » Ce constat le rend furieux.
Ousmane Mamane nous rassure en nous indiquant que la dématérialisation permettra un « véritable contrôle » du nombre de véhicules autorisés. À long terme, cela facilitera selon lui « l’engagement de l’administration en faveur de la formation, de la supervision, de l’information, de la sensibilisation, etc. »
Dans ce contexte, les autorités municipales et étatiques collaboreront, mais aussi le secteur public et privé grâce au « développement de partenariats, d’assistance technique et de soutien financier », selon Ousmane Mamane. Il estime que la dématérialisation offre également la possibilité d’améliorer le système de collecte des taxes pour les autorités locales.
Selon le directeur général des Transports urbains « La gestion des documents administratifs engendre une perte de temps considérable et le système actuel n’est pas sécurisé ». Toutefois, il estime que grâce à ce projet, « ces problèmes seront résolus de manière logique, car la ville disposera d’une base de données fiable et sécurisée ».
En attendant, le groupe d’action local a présenté un projet d’expérimentation du paiement mobile pour les taxis et autres véhicules ; 80 taxis et 20 minibus devraient y participer. Il espère que cette expérimentation sera concluante. Maus pour l’heure, le chauffeur de taxi Amadou Ego accueille cette initiative avec un certain pessimisme. « Certains profitent de cette confusion administrative. C’est peut-être une idée innovante, mais il y a un mais ! » conclut-il.
Ecrit par Moussa Ngom.