« Le plus grand avantage du travail en commun est le foisonnement d’idées qui en découle » — les conversations ASToN avec les représentants municipaux
ASToN est un projet pilote dans le cadre duquel 11 municipalités africaines testent et mettent en œuvre ensemble leurs propres programmes de transformation numérique pour stimuler le développement durable et intelligent de leurs villes. Cette interview fait partie d’une série de trois entretiens avec des élus municipaux des villes du réseau ASToN, au sein duquel ces dernières et leurs écosystèmes locaux travaillent ensemble pour réaliser une transition numérique inclusive.
Aminata Lo est architecte de formation et chef du service de l’aménagement urbain et de l’espace public de Nouakchott. Elle fait partie de l’équipe du projet ASToN de Nouakchott (Mauritanie) et travaille sur ce projet depuis plus de deux ans. Malgré un changement de poste, Aminata a trouvé le moyen de continuer à travailler sur le projet ASToN. Elle a expliqué à SAAM stad* la méthode qu’utilise Nouakchott pour faire participer tout le monde et comment le fait d’écouter tous les avis peut contribuer à faire avancer un projet.
1. Pourriez-vous nous parler du projet ASToN de votre ville ?
À Nouakchott, nous travaillons sur un système d’adressage, mais ce n’était pas notre premier choix. Lorsque nous avons lancé notre candidature au programme ASToN fin 2018, nous avions deux équipes et deux thèmes distincts : le système d’adressage et la gestion des déchets, mais nous sommes parvenus à un compromis. Deux à trois fois plus grande que Paris intra-muros, Nouakchott est une ville qui se développe très rapidement et qui, chaque année, voit naître un nouveau quartier de manière informelle. Cette ville se développe sans le l’accompagnement des pouvoirs publics et ses habitants n’ont pas accès aux services essentiels comme l’eau ou l’électricité. Pour nous, la numérisation peut constituer une solution à nos problèmes, pas forcément en les résolvant mais en permettant de chercher des solutions possibles.
2. Qui sont les personnes et les partenaires qui travaillent sur ce projet ? Quelle est la dynamique au sein de votre groupe et de votre équipe ?
D’abord, nous avons une petite équipe de 5–6 personnes qui essaient de faire avancer le projet et nous nous chargeons de toutes les formalités nécessaires au bon déroulement de la phase d’expérimentation. L’équipe principale est constituée du directeur général, d’un responsable des questions socio-économiques en lien avec les communes, d’un élu, d’un technicien en charge de la base de données et de représentants du service informatique et financier.
Ensuite, nous avons les experts directement impliqués dans le projet, mais aussi les partenaires qui participent indirectement en ayant un droit de regard sur le déroulement du projet. Ils font partie de différents ministères : Ministère de l’Intérieur, Ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, Ministère des Nouvelles Technologies et Ministère des Finances. (1)
Enfin, nous avons des partenaires privés (fournisseur d’eau et d’électricité, La Poste, etc.) pour qui ce projet est vraiment important. Par ailleurs, nous avons des start-up qui ont déjà commencé à travailler sur la question des systèmes d’adressage. En parallèle, nous avons conjugué nos forces avec la société civile et les associations de jeunes. Cela nous aidera à mieux nous adresser à la population lorsque nous lui expliquerons notre projet de système d’adressage. Pour nous, il ne saurait y avoir de meilleur allié que les associations de la société civile qui ont déjà une expérience dans le domaine de la sensibilisation et de l’information de la population.
Pour moi, le fait de collaborer avec tous ces partenaires nous permet de multiplier les points de vue et de trouver les meilleures solutions, même si, . Malheureusement, il est parfois très difficile de réunir ou de faire participer tout le monde. Je pense que le plus compliqué est de réunir tout le monde en même temps.
3. Quelle est l’implication concrète des jeunes dans le projet ? Comment se passe cette relation ?
Nous avons vraiment voulu impliquer les jeunes dans ce projet. Pour la communication, nous avons donc fait appel à la Jeune Chambre de Commerce de Mauritanie(2). Ses membres proposent beaucoup d’idées pour notre stratégie de communication et ils sont très intéressés par ce projet. Un autre groupe de jeunes qui nous a beaucoup aidés pendant la phase de recherche initiale est un incubateur technologique : Hadina Rimtic. Ses membres nous ont aidés à effectuer les recherches préliminaires et à élaborer le plan d’action.
Nous apprécions vraiment de travailler avec eux, mais, comme vous pouvez l’imaginer, il n’est pas toujours facile de réunir plusieurs générations. Tous les participants n’envisagent pas de la même manière la notion de « numérique » ou la manière de communiquer notre message. Mais nous essayons toujours d’éviter de rejeter des idées. C’est une chose que j’ai apprise avec le programme ASToN. Nous notons toutes les idées et elles sont toutes prises en compte au moment de faire le bilan. Cela permet à chacun de se sentir impliqué dans le projet tout en nous permettant de maintenir cette implication.
4. Comme vous nous l’avez déjà dit, de nombreux partenaires sont impliqués dans ce projet. Selon vous, quel impact cela a-t-il sur la perception ou l’acceptation de ce projet par la population de Nouakchott ?
Jusqu’à maintenant, nous savons que la population estime pertinente l’idée d’un système d’adressage numérique. Je ne dirais pas nécessairement que le fait de travailler avec tous ces partenaires contribuera à mieux faire accepter ce projet, mais il est certain que le projet est mieux compris. Le fait que nous ayons déjà fait une tournée des communes, que nous soyons descendus au niveau le plus bas du processus de participation, c’est-à-dire au niveau des citoyens, que nous les ayons écoutés et que nous leur ayons expliqué notre projet a beaucoup profité à celui-ci. Ils ne pourront plus dire : « Ce projet a été entrepris loin d’ici et vous ne nous en avez jamais parlé ». Pour moi, il est très important que ces personnes ou, si vous voulez, les utilisateurs finaux, soient non seulement conscients de notre action, mais qu’ils essaient également de comprendre notre démarche et notre projet. Le point positif est donc que les gens savent comment nous sommes arrivés où nous en sommes. Même si la partie communication n’est pas finalisée à 100 %, le fait d’avoir sillonné tous ces quartiers et d’avoir dialogué avec tout le monde va certainement nous aider dans la phase d’expérimentation.
5. Le programme ASToN nous a fait découvrir une nouvelle méthode pour faire progresser les projets de Nouakchott en faveur de la transition numérique. L’implication de divers partenaires depuis le début du projet jusqu’à la phase d’expérimentation avec la mise en place d’un prototype, ou la participation à un réseau de 11 villes africaines, n’en sont que quelques exemples. D’après vous, comment tous ces facteurs influencent-ils votre projet de système d’adressage à Nouakchott ?
L’idée d’ASToN est différente ! Même s’il y a des points communs avec nos habitudes, faire partie d’un réseau comme ASToN est une première pour Nouakchott. Le fait de connaître l’expérience d’autres villes est très profitable. Ce que je retiens, c’est que bien qu’étant séparés par des milliers de kilomètres, nous nous heurtons aux mêmes problématiques. Ainsi, en voyant comment les autres les ont résolues, nous pouvons gagner du temps et ne pas répéter les mêmes erreurs.
La méthode est également très originale car à chaque étape, ASToN est là pour nous soutenir et on sait comment procéder. Les conseils trimestriels sont très importants car ils nous permettent de garder le cap. Il est très facile de se perdre dans un projet quand on n’a pas vraiment de ligne directrice.
Nous avons aussi beaucoup appris en travaillant avec des personnes très différentes, qu’elles soient issues de ministères, de start-up ou de la société civile. Par exemple, en travaillant avec les start-up, nous avons appris de nouvelles manières d’organiser des ateliers, de travailler en petits groupes et d’exposer nos idées, ou comment choisir la meilleure solution parmi quatre ou cinq propositions. Certains de nos collègues utilisent ces méthodes pour différents projets. Mais, selon moi, ce qui est le plus bénéfique pour le projet, ce sont toutes les idées qui en découlent.
Ecrit par Saam Stad.